2006/09/21

Au courrier du jour






















Ces quelques mots d'une vieille amie, nous l'appellerons Cassandre pour respecter son anonymat :

« Un blog, mon bon ami ! Voyons, mais qui n'en a pas ? Plus une étudiante, pas un collégien… Et vous, qui toujours aviez gardé ce rigoureux silence, iriez faire le beau parmi les lycéennes anorexiques et les jeunes technovores. Vraiment, c'est à se tordre. Mais consolons-nous, je n'en rirai pas longtemps : vous renoncerez. Vous êtes trop paresseux, vous le savez, et même si, par miracle, vous trouviez chaque jour l'équivalent d'une brève, je ne donne pas deux semaines pour que ces broutilles vous ennuient.
Mais laissons cela et, pour votre bien, trouvez des distractions plus solides [...] »

2006/09/16

2006/09/15

Vieillesse de la révolte

Un lecteur, le premier à laisser un commentaire (qu’il en soit remercié !), s’inquiète du peu de lisibilité de ce blog, le bleu et le texte en défonce étant selon lui peu lisible, et pas adapté au sujet (Debord). Je lui donne acte, j’arrangerai ça quand j’aurai le temps.
Je n’ai par ailleurs pas l’intention de me spécialiser dans la prose pré, post ou parasitu, et cette mise en page suffira bien. J’ai aimé Debord autour de mes 25 ans, mais cette « verte jeunesse » n’a pas duré toujours: je suis trop vieux. Je le relis aujourd’hui avec nostalgie, comme un grand styliste, comme un poète parfois, pour quelques lumineuses intuitions aussi. Mais le grand soir ne viendra pas, il n’y aura pas de révolution. Et d’ailleurs elle se ferait sans moi : j’ai fait le politest. C'est dit, je suis de centre-gauche, pas du genre à lancer des pavés.

2006/09/14

Détournement

Un voeu pieu

Quiconque a un peu vu le milieu social qui est défini par la propriété spécialisée des choses culturelles, sait bien que tout le monde y méprise à peu près tout le monde, et que chacun y ennuie tous les autres. Mais c’est une condition non dissimulée de ce milieu, une constatation claire pour tous ; c’est même la première banalité que les individus s’y transmettent dans le premier moment de toute conversation. À quoi tient donc leur résignation ? Évidemment au fait qu’ils ne peuvent être porteurs d’un projet commun. Chacun reconnaît alors dans les autres sa propre insignifiance et son conditionnement : précisément, la démission qu’il a dû souscrire lui-même pour participer à ce milieu séparé, et à ses fins réglées.


Ce texte n’est pas signé, mais il est évidemment de Debord lui-même. C’est d’ailleurs le cas de la majorité des textes non signés qui paraissent alors dans l’Internationale situationniste. Guy Debord n’est pas un auteur qu’on puisse si facilement contredire : la forme est estampée, le fond net, la pensée lucide. C’est pour cela que ceux qui le reprennent aujourd’hui, dans la presse ou ailleurs, ne le font le plus souvent que très partiellement, et s’abstiennent de mentionner ce qu’il pourrait y avoir chez lui de scandaleux : son côté proprement marxiste, l’équivalence spectacle-marchandise. On comprend bien que des journaux, des éditeurs qui appartiennent à de grands groupes industriels ou commerciaux, comme celui qui m’emploie, n’ont guère intérêt à soulever à son sujet autre chose que de vagues banalités hermétiques : – « le spectacle est une accumulation d’image… », « tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation… », ad libitum. Ils trouveraient évidemment désagréable de s’entendre dire eux-même qu’ils ne font que formuler et reformuler un discours qui n’est autre que celui de la marchandise, tant et tant devenue « fétiche » qu’elle en acquiert la parole. La marchandise et son discours, ce sont les « fins réglées » dont parle ici Debord : les journaux vendent des « espaces » et des « produits », les livres se vendent, le cinéma fait la promo d’on ne sait quel téléphone, la télé en vient à vendre du « temps de cerveau disponible », et ce n’est même pas à nous qu’elle le vend.
Tout cela ne nous ouvre pour perspective, d’ailleurs très partielle, mais la plus visible, la plus colorée et lénifiante, que l’équivalent intellectuel du « brandscape » dont parle Naomi Klein : on cause Nike ou Adidas, Peugeot, Renault, PPR ou Vivendi, Microsoft, Apple ou Linux, Ferry ou Sponville, tous produits très semblables, tous discours très conformes : « la propriété spécialisée des choses culturelles »… Ne croyez pas qu’il soit si facile de s’extraire de cette gangue : nous y baignons si profondément que nous ne la sentons pas, la censure est si douce qu’elle ne pèse jamais. C’est une mélasse, mais elle est quotidienne ; c’est, bien épais, le sucre du commerce à l’envi versé sur nos tristes vies. Tous produits très semblables… comment se pourrait-il que chacun n’y ennuie pas tous les autres ? C’est encore la même vieille soupe dans des pots toujours repeints.
Mais alors. Mais donc ? Faut-il vraiment s’en tenir à cette « première banalité » ? Je voudrais croire que la formule de Debord peut être réversible : « Dans un milieu défini par la propriété collective des choses culturelles, chacun sait bien que personne n’y méprise personne… » En 1960, un tel projet aurait été parfaitement mégalomane, une petite dizaine d’années plus tard on en a fait des slogans. Et aujourd’hui, qu’allons-nous faire ?
A suivre.